05/ 11/ 2002 : Visite de la MAC de Ouagadougou et rencontre
avec les aumôniers et PRisonniers Sans Frontières (PRSF).
Je suis arrivé depuis hier au Burkina-Faso. Il m'a été
confirmé que le passage de la frontière ivoirienne était
impossible légalement et dangereux. Mais des négociations
de paix étant en cours entre les parties en présence,
tout espoir n'est pas perdu de se rendre à Sassandra. (Par la
suite, la reprise des combats, des exactions contre les burkinabès
et même l'ouverture d'un second front nous feront abandonner définitivement
ce projet). En attendant, nous avons pris contact avec Mr Kambou, juriste,
militant des droits de l'Homme. C'est lui qui nous avait déjà
fait parvenir un rapport complet sur les prisons du Burkina. Ses conseils
nous seront précieux.
Nous sommes rendus chez le DAPES (Directeur de l'Administration
Pénitentiaire et de l'Education Surveillée) afin d'obtenir
les autorisations nécessaires.
Avons rendu visite à la fondation d'art contemporain
"Olorun" et son président Christophe de Contenson. Il nous a
fait le point sur leur activité peinture-débat à
la MACO l'année passée (plaquettes à consulter au
siège), et nous à invité à rencontrer Mme Pozza,
juriste italienne, membre de "PRisonniers Sans Frontières".
Nous sommes rendus à la MACO, y avons rencontré
un aumônier local, un missionnaire italien et un membre de PRSF,
délégué par la mission catho. Notamment pour la
gestion de la bibliothèque. Il nous a servi de guide pour une
visite complète des lieux. Y avons vu:
- bibliothèque: avec environ 1000 livres, un grand local
tout neuf, équipé de TV, vidéo, jeux de société.
- mosquée
- église catholique et aumônerie: édition
du journal "le Baobab" (à consulter au siège)
- temple protestant
- quartier des mineurs: peu nombreux, bien logés à
l'écart, plusieurs ateliers de formation, salle de classe,
TV, vidéo, droit de déambuler hors temps d'atelier.
- quartier des femmes: une 20aine, bien logées, un atelier
couture, se plaignent surtout des lenteurs judiciaires.
- moulin
- cuisines: équipées de 4 foyers améliorés,
préparant pour les détenus 1 repas par jour variant tô,
riz, haricots. Avons goûté le plat du jour: très
correct en qualité. Pour 200F/ semaine/ détenu, l'aumônerie
se charge de faire distribuer un deuxième repas quotidien.
- quartier fonctionnaires: à l'aise, à l'air libre
la journée
- bâtiment principal: gros problèmes d'hygiène
et surpopulation, tuyauteries défectueuses, fosse pleine. 700
personnes sur 4 étages. problèmes d'adduction d'eau en
saison sèche. Au dernier étage, un coin disciplinaire sans
air ni lumière.
- combustible: bois. Des corvéables font des corvées
en brousse, mais le camion est en ruine et inutilisable, actuellement
acheté livré, ce qui grève d'autant le budget bouffe
de la prison. L'achat d'un nouveau camion est la demande la plus pressante
de l'administration.
- infirmerie: une infirmière à plein temps. Pas
de médecins. Les hospitalisations et consultations sont prises
en charge par la mission pour les indigents, ainsi qu'environ la moitié
des médicaments distribués quand il y en a (stock de
médicaments génériques insuffisant). Principales
maladies: paludisme, diarrhées (épidémie récente:
un 20aine de morts d'un coup), infections oculaires, tuberculose...
Aucun détenu ne passe la nuit à l'infirmerie.
- grande cour: ceux du bâtiment n'y ont pas accès,
avec parloir couvert à l'air libre, kiosque pour grillades et
café pour ceux qui payent, jardin potager. A ce propos: l'année
passée, un missionnaire présent depuis trente ans au pays
s'est fait assassiner par un prisonnier lors d'une visite, il étudiait
la possibilité de rehausser les murs d'enceinte de la cour
afin de permettre à l'ensemble de la population carcérale
de passer la journée dehors... Procès à venir, nous
tenons informés.
Rendez-vous avec Adama Traoré, seul permanent salarié
de PRSF qui nous a fait le point de leurs activités. Disent agir
sur l'ensemble des 10 prisons du pays (+Baporo, spécial mineurs).
Arrivent au terme de leur objectif de séparation des détenus
par catégories, et de constitution de jardins collectifs et
infirmeries dans tous les lieux.(ma prise de note de ce jour ayant laissé
à désirer, je me propose de contacter le président
en France et rectifier erreurs et oublis postérieurement si nécessaire).
PRSF est née en 1997 au Burkina. environ 70 membres. Environ
400 millions de cfa investis dans les prisons. Ils constatent un désengagement
de l'Etat. Ont participé au financement de la construction de
la MAC de Banfora (ouverture prévue pour oct. reportée à
janvier) prévue pour 80 places, elle comptera sans doute 200
personnes dès la première année! Cette année
ils ont construit des quartiers pour mineurs à Koudougou, Ouahigouya,
Dédougou, Kaya. Quartier femmes à Bobo. MAC de Bobo-dioulasso:
environ 500 détenus. Séparation H/F/m. tout sur un seul
niveau. Accès à l'eau plus simple qu'à Ouaga. PRSF
est présent dans 8 pays: BF, RCI, Togo, Bénin, Cameroun, Rwanda,
Congo-Kinshasa, Mauritanie. Organisent des comités de gestion tripartites
(AP, soc. civile, détenus) des productions des ateliers des prisons,
qui se réunissent chaque mois. Chaque section nationale PRSF cherche
son propre financement. Surtout ambassades, entreprises, privés,
Pharm. SF... Leur projet en RCI est le même qu'au BF: séparation
des catégories, création de jardins, infirmeries, ateliers...
Autre aspect de leur travail: formation du personnel pénitenciaire.
Liens avec "Dignité en détention": ONG suisse.
On cherchera à se procurer le travail de Philippe Bélier
(film à la MACO) et celui de Louis Houlon.
17/ 11 /2002 : visite et distribution à la MAC
de Kaya (BF)
Nous avons effectué la distribution de la main
à la main pour chacun des 200 détenus de la MACK comme
suit: 1/8 litre d'huile; 1/8 kg sel; 1/3 kg sucre; 1 cube maggie; 1/6
choux; 1 oignon; 2 citrons; 1 kg gari (couscous de manioc, pouvant se
manger froid ou chaud, cuit ou cru, sucré ou salé); 1 kg
riz ; 1 poisson séché; 1 gâteau ; 1 savon. Avec en
supplément pour les 16 plus malades, les 2 mineurs et les 2 femmes:
1 natte; 1 seau; 1 fourneau; 1 cuiller; 1 gobelet; 1 assiette.
Avons trouvé la situation suivante: coupure d'eau. La
prison est de construction récente mais elle a été
installée sur une hauteur ce qui fait que la plupart du temps
la pression est insuffisante pour ammener l'eau au robinet. On a donc
à utiliser la bonne vieille barrique malgré les canalisations
qui avaient été prévues. Cette barrique-remorque
à bras nécessitait des travaux urgents que nous avons
pris à notre charge en fournissant une chambre à air,
un pneu, l'argent d'une soudure. Nous avons changé 3 ampoules-néons,
2 litres de crésyl (ce qui s'avère insuffisant) pour la
désinfection des locaux. Ces locaux sont surpeuplés. Il
y a 4 dortoirs entourant une très petite cour intérieure
bétonnée: celui des inculpés, prévenus, condamnés,
fonctionnaires. Mineurs et femmes sont à part dans des pièces
donnant sur la cour extérieure, fleurie et aérée
à laquelle seuls ont accès les corvéables. Les toilettes
sont relativement saines à l'intérieur de chaque dortoir
(avec quand même le problème chronique de la vidange de la
fosse). Seulement 2 gardiens étaient en fonction, ils se sont montrés
très coopératifs, mais hormis le matériel aucune photo
des lieux et des personnes n'a été possible. Nous n'avons
pu nous assurer une couverture médiatique alors qu'une radio locale
existe, c'est un loupé. Ils n'ont pas trouvé utile de prendre
notre charbon, aussi sera-t-il vendu au détail en ville, et l'argent
reversé à la caisse de la section BF de l'ASPAO en devenir.
La MACK ne dispose ni d'infirmerie ni de bibliothèque ni du moindre
atelier. Un seul malade n'a pu se lever: tuberculose évidente,
non isolé. Nous avons parlé aux prisonniers librement et laissé
des tracts. Espérons recevoir des témoignages. Les détenus
sont enfermés dans les dortoirs de 17h à 8h du matin. Ils
ont tous un besoin impérieux de bidons afin de stocker l'eau pour
la nuit. Autre loupé de notre part. Le régisseur était
absent mais prévenu de notre visite. La MACK résonnait
de bruits de fête à notre départ.
22/ 11/ 2002 : Visite à la MAC de Bamako :
Accueillis par le gardien chef Sissoko et l'infirmier et le magasinier
qui n'ont rien réclamé pour leur collaboration (ce qui
a été le cas partout il faut le souligner, sauf au passage
de frontière, de notre propre initiative nous avons souvent fait
un petit geste: ici 1000cfa pour chacun des trois responsables). La MAC
de Bamako connaît de sérieux problèmes de surpopulation.
La Justice, comme partout, est trop lente. Elle se trouve encore ralentie
par l'administration pénitentiaire du fait d'un manque de véhicules.
On déferre au parquet, à cause de cela uniquement district
par district (6 pour la commune de Bamako). Les évacuations sanitaires
posent aussi problème de ce fait. Il faudrait au moins 4 véhicules
supplémentaires. Ceci fait contraste avec les 4/4 flambant neuf
privés que l'on peut voir dans tous les quartiers de cette mégalopole!
L'infirmier réclame des médicaments, surtout des pansements.
A défaut de pouvoir traiter les maladies graves et chères,
il voudrait au moins pouvoir soigner les plaies et infections superficielles.
Les tuberculeux sont isolés. Pas de séparation condamnés/prévenus
(largement majoritaires). 2 salles sont réservées aux
personnes âgées. Avons donné main à main à
une trentaine de malades: 1kg de gari; 1/4 sucre; 1 savon. Le reste sera
remis aux plus nécessiteux après que le régisseur
a pu le voir. Ils sont 1200 pour une prison construite en 1950 pour 400
personnes. Tout sur un seul niveau. 1 chiotte et 1 robinet par dortoir.
Ils passent toute la journée dans la cour, vaste et aérée.
avons remis au total 243 sachets-secours. N'avons pas pu visiter les lieux,
sans doute pour des raisons valables de sécurité. Avions
auparavant rencontré le DAPES adjoint qui s'est chargé de
nous annoncer à Bamako et koulikoro. Et avions pris conseil préalable
avec Me Koné, vice-président d'avocat sans frontière,
pdt de l'AMDH, représentant pour le Mali de l'UIDH. Lui aussi voyageait
dans le pays pour des visites de prisons, ce qui n'a pas rendu possible
une rencontre. Ses coordonnées nous avaient été données
par Mr Kambou au BF, de la cour de cassation, membre MBDHP et UIDH, qui
nous a assuré de son appui en toute circonstance.
21/ 11/2002 : Avons distribué 10 repas préparés
aux prévenus du commissariat du 11ème secteur de Bamako
. Assez de place et de ventilation; pas de WC à l'intérieur
de la cellule. Coût total de l'action: 4000 cfa.
22/ 11/ 2002 : Sommes arrivés un peu tard au
commissariat du 4ème secteur de Bamako pour la distribution.
Le chef de poste s'est saisi de ce prétexte pour nous refuser
l'accès à la cellule. Mais il nous a rassuré sur
l'état des 7 personnes détenues. La saison n'est pas à
la délinquance et le carême incite les familles à
ne pas oublier leurs frères détenus. Ceci corrobore le rapport
sur le Mali du rapporteur de la commission africaine des droits de l'homme
chargé des conditions de détention qui nous a avait été
remis par Mr Kambou. Les actions concrètes de soutien aux prisonniers
sont clairement plus utiles en saison sèche qu'après les
récoltes, il faudra s'en souvenir lorsque l'ASPAO aura les moyens
de payer les billets d'avion et donc de décider des dates de mission.
22/11/ 2002 : Visite de la MAC de Koulikoro(Mali).
Y avons remis 100 sachets comme suit: 1 savon; 1kg gari; 1kg riz; 1
poisson fumé; 2 oranges; 1/8 huile; 1 patate douce; 1 cube maggie;
1 oignon; 100g sel; 1/4 sucre; 1/4 pain.
Pour les 10 plus malades: natte; seau; gobelet; assiette;
cuiller.
Pour tous: 4 litres de crésyl; un matériel de
pharmacie (gaze, sparadrap, alcool, mercurochrome, coton, bandes);
100 lames; 1 sac de charbon.
Pour l'administration: 5000cfa pour le régisseur; 5000cfa
pour les gardes.
Koulikoro est une prison de construction récente (98)
mais pas branchée au réseau (ni eau ni courant, ni tel).
Peu peuplée: 65 personnes. Grande cour à laquelle n'ont
pas accès les condamnés pour crimes. 4 dortoirs; 5 douches-wc;
3 ateliers formation (cuir, corne, jardin). Les cuisiniers servent 2
repas par jour, variant mil, riz, haricots. Le régisseur en ferait
volontiers 3 s'il disposait de plus de pilons. Le foot a dû être
arrêté pour cause de tentative d'évasion. La prison
est à 3 ou 4 km de la ville de Koulikoro, 60 de Bamako dont viennent
certains détenus. Là aussi il faudrait un véhicule.
A notre arrivée, nous avons trouvé deux détenus
menottés une main au pied en train de tourner autour du bâtiment
pendant 20 mn: punition pour indiscipline. Le régisseur a dit
désapprouver ces pratiques. Avons visité toutes les cellules
et ateliers (photo), acheté un peu de leur production. Cette
action est évaluée à 350 000cfa.
25/ 11/ 2002 : Distribution d'un repas préparé
pour les 23 détenus du Commissariat de Boulmiougou (BF),
dont 2 femmes. Cellule surpeuplée sans wc. Coût: 2000cfa.
Nous avons estimé le coût de la construction d'une fosse
sceptique à 100 000cfa.
26/ 11/ 2002 : distribution à la MACO. Avons effectué
la distribution suivante, de main à main et en présence
de l'aumônier et de l'assistante sociale, pour 100 détenus:
1kg de bassi (couscous de mil au sucre et à la pâte d'arachide
se consommant mouillé d'eau), 1kg de gari, 1kg riz, 1/8 huile,
sel, sucre, 1poisson séché, 1 cube maggie, 1 patate,
1 oignon, 2 oranges, 1 savon. Et pour 8 malades (stocké au magasin):
seau, natte et complet-cuisine. La sélection et l'appel des 100
bénéficiaires ont été fait par les prisonniers
eux-même sous la surveillance des personnalités citées
plus haut.
28/ 11/ 2002 : à la Brigade des stups et des
mœurs de Ouagadougou , le wc de la cellule est en réfection.
Total du riz pour les 6 détenus: 2000cfa. Il nous a été
assuré que seuls les trafiquants avaient à subir des condamnations
pour cause de cannabis (drogues dures encore très rares à
Ouaga).
29/ 11/ 2002 : au commissariat central de Ouagadougou
avons visité les cellules de garde à vue: 2 grandes
cellules où les 30 inculpés actuellement présents
tenaient largement mais étant en réfection (débouchage
des tuyaux des chiottes, raclage de la merde accumulée sur le
sol, pose d'une fine couche de ciment sur l'une, désinfection au
crésyl de l'autre), ils se trouvaient tous dans la pièce
d'à côté pour la journée. (les travaux allant
doucement, il est à craindre qu'ils passent tous la nuit dans une
même cellule). 2 chiottes et une douche: éternel problème
de la fosse pleine: remontée d'asticots et cafards. Bien aérée.
Plus 3 ou 4 cellules individuelles aveugles pour les "bandits de grand
chemin". Pas de femmes. J'ai trouvé le commissaire Sorgo très
sensible à ces questions de conditions de détention et nous
pouvons compter sur lui pour une collaboration durable. Bien qu'étant
légalement de 72h, la garde à vue est souvent prolongée
au-delà faute de personnel et de moyens. Avons distribué
30 repas préparés de riz + viande en sauce aux prisonniers
pour un total de 12000cfa. J'ai personnellement utilisé les wc des
chefs qui laissaient eux-même à désirer.
29/ 11/ 2002 : Entretien avec le PDG de Horizon-fm, très
sensible à ces questions ayant lui-même purgé dans
sa jeunesse un an sans jugement pour motifs politiques. Collaboration
fructueuse à venir. Interview donnée au journaliste sur
nos objectifs et appel à manifester avec la LIDEJEL le lendemain
pour le respect des droits de l'homme en RCI, l'ASPAO ayant le souci
que l'on n'oublie pas les détenus à cette occasion. Rendez-vous
est pris pour une heure dominicale d'entretien sur cette question avec
les militants burkinabè de l'ASPAO.
A propos de la presse, nous avons rédigé un
article sur nos actions et convictions, que nous avons proposé
à la presse par E.mail et courrier au Mali et au BF. Je crains
qu'il ne soit publié nulle part car je n'ai pas versé
les fonds nécessaires à toute publication d'article, une
conception à mon avis révoltante de la déontologie
du journalisme (à débattre). Avons rencontré le
permanent du Centre National de Presse Norbert Zongo (journaliste indépendant
assassiné) qui nous a assuré de le transmettre aux journalistes
affiliés.
29/ 11/2002 : Présentation de l'ASPAO au Centre
Culturel Français de Ouaga.
30/ 11 /2002 : Grande marche contre les exactions en Côte
d'ivoire. Organisée par la LIgue pour la DEfense de la Justice
Et la Liberté, et les petits commerçants du Kadiogo. Hormis
l'ASPAO, aucune autre organisation n'a embrayé sur l'appel. Seulement
2000 participants presque exclusivement des élèves. (les
étudiants sortaient d'une marche contre le prix de la scolarité
très durement réprimée par les forces de l'ordre).
Ca a été l'occasion pour nous de se faire connaître
par les ouagalais: 2 pancartes avec affiche au recto, et au dos le slogan:
"soutien à nos frères emprisonnés en RCI, Ba Yiri
Cabé!" (trad: pas d'opération "retour au pays" pour eux).
La TNB qui a couvert l'événement n'a pas jugé utile
des les montrer.
Villeurbanne, le 05/ 12 /2002
L. Roche