Contexte des visites
J’ai eu
l’occasion de visiter la prison civile d’Atakpamé à deux reprises (au cours des
étés 2002 et 2003) et de rencontrer et rester en contact avec le chef de prison
M. Adoyi Tchagbélé. Cette initiative fut prise suite à l’intérêt porté en
France aux problématiques liées au sens de la peine et à la réinsertion des
détenus (bénévolat avec le Genépi, animation d’un atelier cinéma à la Maison
d’arrêt de la Santé, année 2002; poste d’assistante culturelle du Service
d’insertion et de probation de la Maison d’arrêt de la Santé depuis janvier
2003).
Mes courtes visites
ne me permettent pas d’aller au-delà d’une description de surface du quotidien
dans la prison civile d’Atakpamé. Les renseignements obtenus sont ceux que M. Adoyi
acceptait de me confier; celui-ci était également présent lors de ma rencontre
avec les détenus. Bien qu’un climat de confiance semble être instauré entre lui
et ces personnes, je n’ai pu avoir qu’une vision succincte de la réalité. Seul
un séjour prolongé à Atakpamé et des rencontres individuelles avec les détenus
permettrait de témoigner véritablement des conditions de détention.
Quelques données concernant les conditions de
détention :
Lors de
la première visite, les détenus étaient au nombre de 160, et en 2003, 173.
L’espace de détention est divisé en 10 cellules, M. Adoyi ne connaissait pas la
surface totale du bâtiment, mais indique une largeur et une longueur moyenne
par cellule de 7m sur 20m. Prévenus et condamnés sont indifféremment incarcérés
(en 2003 : 109 hommes et 2 femmes prévenus, 62 hommes condamnés).
Trois
priorités ressortaient pour une amélioration de leur quotidien à travers les
discussions entretenues avec les prisonniers en été 2002:
De meilleures conditions d’hygiène (pas assez
de savons et de seaux à partager). L’un d’entre eux décrivait l’utilisation qui
était faite des seaux pour la toilette, laver leurs plats et vêtements et
déféquer (En été 2003, M Adoyi souligne la présence de toilettes dans l’espace de détention, mais je
n’ai pu vérifier leur existence et leur salubrité). Un autre me décrivit la transmission de la gale inévitable en raison du
manque d’hygiène corporelle.
Occuper leur temps de
détention.
Être « préparé »et suivi à leur sortie.
Autres
données sur les conditions de détention :
C’est un
service pénitentiaire qui prend en charge l’acheminement de nourriture,
actuellement les détenus ont droit à un repas par jour. Ceux qui ont un peu
d’argent ont la possibilité de « cantiner » des produits de
l’extérieur. Les familles ont aussi le droit de transmettre des aliments. Au
moment de leur arrivée les détenus ne sont pas en possession d’objets
personnels (mais nous n’avons pas observé l’utilisation d’uniformes), ils
peuvent faire venir des objets de l’extérieur par bons.
Les agents de
sécurité sont situés à l’extérieur, pas de surveillance intra-muros. Le chef de
prison est l’intermédiaire, le réfèrent pour toutes sortes de problèmes (toutes
sollicitations ou demandes d’assistance lui seront adressés). Donc tout repose
sur sa bonne volonté à soutenir ou non les prisonniers.
Les visites
s’effectuent à la grille d’entrée de l’espace de détention, le coût d’un permis
de visite est de 100F/CFA (petit fonds constitué pour l’achat de nourriture,
matériaux...). Leur fréquence n’est pas limitée.
Partenaires en présence :
La présence de
Prisonniers sans frontières au Togo permet d’ors et déjà d’atténuer les
mauvaises conditions d’hygiène : un fonds de 150 000 F/ CFA (environ 230
€) est tenu à disposition de la prison tous les 3 mois. M.Adoyi reproche
cependant l’indisponibilité en urgence de ce fonds, déposé au Tribunal
d’Atakpamé et nécessitant d’attendre une autorisation avant de prélever
l’argent (cas évoqué d’un détenu éprouvant un violent malaise qu’il a fallu
transporter en urgence à l’hôpital, M. Adoyi a alors avancé de sa poche les
frais d’hospitalisation. Point positif, le docteur de l’hôpital semble être
très sensible à la cause des prisonniers).
Autre association en
présence, le BICE (droits de l’enfant), qui a achevé la construction d’un
bâtiment de détention pour les mineurs depuis 2002, qui n’est toujours pas
utilisé à ce jour...
Je n’ai pas été
en relation avec les institutions (ministère de la justice, administration
pénitentiaire) et ne peut décrire leurs moyens d’action et politiques.
L’artisanat :
En 2002, je suis
revenue en France avec un échantillon du travail d’artisans incarcérés : une
chora, un éléphant sculpté dans du bois, un sac dans une matière avoisinant le
scoubidou, ainsi qu’une trousse et 3 porte-clés dans la même matière. Cette
année les pièces ramenées sont les suivantes : 1 gourde, 3 sacs, 1
plateau, 7 porte-monnaie, 1 éventail, 3 trousses, 1 chapeau.
Un versement
de 50 000 F/ CFA a été remis à M Adoyi Tchagbélé, comme premier versement en
échange des objets et pour couvrir la vente de l’éléphant sculpté à 20 € en
France. M. Adoyi s’est chargé jusqu’à présent de l’achat de toutes les matières
premières (celui-ci à quelques petites affaires, restaurant et cabine
téléphonique, sur Notse et Atakpamé qui semble lui créer un revenu).
Les
prisonniers s’organisent entre eux pour réaliser les objets : une bonne soixantaine
d’entre eux est occupée par cette activité. Les artisans
« professionnels » transmettent leurs connaissances à des apprentis.
Ils ont formé 6 groupes ayant chacun à leur tête un responsable.
La vente de
cet artisanat générerait des ressources pour la prison et les détenus. Une
partie constituerait un fond pour l’amélioration des conditions de vie à
l’intérieur de la prison (conditions hygiéniques en priorité : achat de
seaux, savons, matériels pour faire la cuisine...). D’autre part leur temps serait
occupé par la réalisation des objets, et l’on peut envisager une transmission
du savoir des artisans aux inexpérimentés, qui acquiert ainsi une formation
avant leur sortie. Un partenariat entre des boutiques d’artisanat françaises et
le groupe de détenus de la prison d’Atakpamé serait à envisager.
Projet de
réinsertion :
D’autre part M
Adoyi s’est penché activement sur la question de la réinsertion des prisonniers
à leur sortie. A savoir que la moitié selon ses propres estimations est incarcérée
pour vols (survie). M Adoyi se propose donc de construire un petit centre de
formation vers lequel les détenus seraient orientés après leur fin de peine, et
mis en relation avec différents formateurs pour apprendre un métier.
M. Adoyi a
trouvé les moyens de commencer la construction du bâtiment, mais a maintenant
besoin de partenaires extérieurs pour achever la réalisation de son projet. La
construction d’un tel centre susciterait peut-être la mise en place
d’aménagement de peines par des travaux d’intérêt général, permettant à des
hommes déjà qualifiés de transmettre leurs savoirs, et à d’autres d’être formés
(système d’apprentissage à reproduire). On peut également imaginer que certains
détenus connaissant les métiers du bâtiment puissent participer à la
construction du centre ?
La motivation
constatée sur place tant de la part des prisonniers à s’en sortir et que du
Chef de prison sensibilisé à leur réinsertion, mériterait d’être soutenue en
les aidant à trouver des partenaires financiers et techniques.
La dynamique
est déjà en route. Une étude de faisabilité et une bonne gestion du projet
seraient cependant essentielles pour le bon fonctionnement et la pérennité des
projets. Actuellement, tout repose sur la bonne volonté du Chef de
prison, or, celui-ci peut être muté d’une année à l’autre dans un autre centre
de détention.