Prison civile d’Atakpamé, Région des Plateaux, République du Togo. Par Caroline D. Août 2003

Contexte des visites J’ai eu l’occasion de visiter la prison civile d’Atakpamé à deux reprises (au cours des étés 2002 et 2003) et de rencontrer et rester en contact avec le chef de prison M. Adoyi Tchagbélé. Cette initiative fut prise suite à l’intérêt porté en France aux problématiques liées au sens de la peine et à la réinsertion des détenus (bénévolat avec le Genépi, animation d’un atelier cinéma à la Maison d’arrêt de la Santé, année 2002; poste d’assistante culturelle du Service d’insertion et de probation de la Maison d’arrêt de la Santé depuis janvier 2003).
Mes courtes visites ne me permettent pas d’aller au-delà d’une description de surface du quotidien dans la prison civile d’Atakpamé. Les renseignements obtenus sont ceux que M. Adoyi acceptait de me confier; celui-ci était également présent lors de ma rencontre avec les détenus. Bien qu’un climat de confiance semble être instauré entre lui et ces personnes, je n’ai pu avoir qu’une vision succincte de la réalité. Seul un séjour prolongé à Atakpamé et des rencontres individuelles avec les détenus permettrait de témoigner véritablement des conditions de détention.

Quelques données concernant les conditions de détention :
Lors de la première visite, les détenus étaient au nombre de 160, et en 2003, 173. L’espace de détention est divisé en 10 cellules, M. Adoyi ne connaissait pas la surface totale du bâtiment, mais indique une largeur et une longueur moyenne par cellule de 7m sur 20m. Prévenus et condamnés sont indifféremment incarcérés (en 2003 : 109 hommes et 2 femmes prévenus, 62 hommes condamnés).
Trois priorités ressortaient pour une amélioration de leur quotidien à travers les discussions entretenues avec les prisonniers en été 2002:
De meilleures conditions d’hygiène (pas assez de savons et de seaux à partager). L’un d’entre eux décrivait l’utilisation qui était faite des seaux pour la toilette, laver leurs plats et vêtements et déféquer (En été 2003, M Adoyi souligne la présence de toilettes dans l’espace de détention, mais je n’ai pu vérifier leur existence et leur salubrité). Un autre me décrivit la transmission de la gale inévitable en raison du manque d’hygiène corporelle.
Occuper leur temps de détention.
Être « préparé »et suivi à leur sortie.

Autres données sur les conditions de détention :
C’est un service pénitentiaire qui prend en charge l’acheminement de nourriture, actuellement les détenus ont droit à un repas par jour. Ceux qui ont un peu d’argent ont la possibilité de « cantiner » des produits de l’extérieur. Les familles ont aussi le droit de transmettre des aliments. Au moment de leur arrivée les détenus ne sont pas en possession d’objets personnels (mais nous n’avons pas observé l’utilisation d’uniformes), ils peuvent faire venir des objets de l’extérieur par bons.
Les agents de sécurité sont situés à l’extérieur, pas de surveillance intra-muros. Le chef de prison est l’intermédiaire, le réfèrent pour toutes sortes de problèmes (toutes sollicitations ou demandes d’assistance lui seront adressés). Donc tout repose sur sa bonne volonté à soutenir ou non les prisonniers.
Les visites s’effectuent à la grille d’entrée de l’espace de détention, le coût d’un permis de visite est de 100F/CFA (petit fonds constitué pour l’achat de nourriture, matériaux...). Leur fréquence n’est pas limitée.

Partenaires en présence :
La présence de Prisonniers sans frontières au Togo permet d’ors et déjà d’atténuer les mauvaises conditions d’hygiène : un fonds de 150 000 F/ CFA (environ 230 €) est tenu à disposition de la prison tous les 3 mois. M.Adoyi reproche cependant l’indisponibilité en urgence de ce fonds, déposé au Tribunal d’Atakpamé et nécessitant d’attendre une autorisation avant de prélever l’argent (cas évoqué d’un détenu éprouvant un violent malaise qu’il a fallu transporter en urgence à l’hôpital, M. Adoyi a alors avancé de sa poche les frais d’hospitalisation. Point positif, le docteur de l’hôpital semble être très sensible à la cause des prisonniers).
Autre association en présence, le BICE (droits de l’enfant), qui a achevé la construction d’un bâtiment de détention pour les mineurs depuis 2002, qui n’est toujours pas utilisé à ce jour...
Je n’ai pas été en relation avec les institutions (ministère de la justice, administration pénitentiaire) et ne peut décrire leurs moyens d’action et politiques.

L’artisanat :
En 2002, je suis revenue en France avec un échantillon du travail d’artisans incarcérés : une chora, un éléphant sculpté dans du bois, un sac dans une matière avoisinant le scoubidou, ainsi qu’une trousse et 3 porte-clés dans la même matière. Cette année les pièces ramenées sont les suivantes : 1 gourde, 3 sacs, 1 plateau, 7 porte-monnaie, 1 éventail, 3 trousses, 1 chapeau.
Un versement de 50 000 F/ CFA a été remis à M Adoyi Tchagbélé, comme premier versement en échange des objets et pour couvrir la vente de l’éléphant sculpté à 20 € en France. M. Adoyi s’est chargé jusqu’à présent de l’achat de toutes les matières premières (celui-ci à quelques petites affaires, restaurant et cabine téléphonique, sur Notse et Atakpamé qui semble lui créer un revenu).
Les prisonniers s’organisent entre eux pour réaliser les objets : une bonne soixantaine d’entre eux est occupée par cette activité. Les artisans « professionnels » transmettent leurs connaissances à des apprentis. Ils ont formé 6 groupes ayant chacun à leur tête un responsable.
La vente de cet artisanat générerait des ressources pour la prison et les détenus. Une partie constituerait un fond pour l’amélioration des conditions de vie à l’intérieur de la prison (conditions hygiéniques en priorité : achat de seaux, savons, matériels pour faire la cuisine...). D’autre part leur temps serait occupé par la réalisation des objets, et l’on peut envisager une transmission du savoir des artisans aux inexpérimentés, qui acquiert ainsi une formation avant leur sortie. Un partenariat entre des boutiques d’artisanat françaises et le groupe de détenus de la prison d’Atakpamé serait à envisager.

Projet de réinsertion :
D’autre part M Adoyi s’est penché activement sur la question de la réinsertion des prisonniers à leur sortie. A savoir que la moitié selon ses propres estimations est incarcérée pour vols (survie). M Adoyi se propose donc de construire un petit centre de formation vers lequel les détenus seraient orientés après leur fin de peine, et mis en relation avec différents formateurs pour apprendre un métier.
M. Adoyi a trouvé les moyens de commencer la construction du bâtiment, mais a maintenant besoin de partenaires extérieurs pour achever la réalisation de son projet. La construction d’un tel centre susciterait peut-être la mise en place d’aménagement de peines par des travaux d’intérêt général, permettant à des hommes déjà qualifiés de transmettre leurs savoirs, et à d’autres d’être formés (système d’apprentissage à reproduire). On peut également imaginer que certains détenus connaissant les métiers du bâtiment puissent participer à la construction du centre ?
La motivation constatée sur place tant de la part des prisonniers à s’en sortir et que du Chef de prison sensibilisé à leur réinsertion, mériterait d’être soutenue en les aidant à trouver des partenaires financiers et techniques.
La dynamique est déjà en route. Une étude de faisabilité et une bonne gestion du projet seraient cependant essentielles pour le bon fonctionnement et la pérennité des projets.  Actuellement, tout repose sur la bonne volonté du Chef de prison, or, celui-ci peut être muté d’une année à l’autre dans un autre centre de détention.

Photos de la mission

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Association loi 1901 à but non lucratif et humanitaire

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