KABAKOUROU
ou KABA : prison
KABACHARDS : prisonniers
BOITE :cellule de garde à vue : un an d'emprisonnement
BADJO : dortoir principal
CORVEABLES : détenus en fin de peine, rendant service
à la communauté pénitencière. Ils passent la
journée dans le camp, la nuit dans la cour, debout s'il pleut.
SERVICE : tout service rendu à son prix
COMMUNIQUE : colis de nourriture apporté par des parents,
avec ou sans contact avec ceux-ci. Tout communiqué se verra diminué
par le surveillant en poste, le porte-clé chargé de la fouille,
le préposé au carré (sas intermédiaire).
GARI : semoule de manioc, très pratique et calorique,
doux avec du sucre.
GBINZIN : ration alimentaire journalière, maïs
en grain bouilli, issu des balayures de bords de route après séchage,
70% maïs, 30% cailloux. Servi avec une sauce très claire.
SAUCE : eau bouillie avec ce que les corvéables-cuisiniers
ont bien voulu y mettre : surtout piments, aubergines, sel.
LES VITAS : toute nourriture supplémentaire.
RECETTE DE LA RE-PREPARATION DU GBINZIN : pour éviter
de perdre ses dents, il faut : relaver plusieurs fois le gbinzin, rebouillir,
puis malaxer pour en faire un tô, refaire une sauce à côté.
TÔ : pâte épaisse de mil ou maïs, se
mange à la main, trempée dans une sauce, plat principal et
quotidien de l'Afrique sahélienne.
FOURNEAU : ceux qui peuvent ont un minimum d'ustensiles de
cuisine : cuillère, cuillère aiguisée (couteau, ouvre-boîte)
fourneau constitué d'une grosse boîte de tomate judicieusement
découpée surmontée d'une assiette en ferpercée.
Le fourneau est alimenté en charbon ou au gazo.
GAZO : les objets en plastique cassés ou volés
sont brulés dans les fourneau. Fumées toxiques insupportables
en milieu clos.
VIANDE : une ou deux fois l'an, les flics de la ville abattent
chiens et cochons errants qui finissent dans la soupe, c'est la fête!
SOUTRALI : du verbe SOUTRA =SOUTENIR : une mission
chrétienne, le Rotary Club, la boulangerie du coin, le C.I.C.R.,
ont fait à l'occasion des distributions ; personnellement, j'ai
souvent profité des restes d'un restau chic tenu par un Allemand
sympa. Plus généralement, la soutrali passe par les pierres,
les vitas les falls ou un diez.
DIEZ : business ou service.
FALLS : cigarettes, se fument toujours à plusieurs, la
dernière taff est très prisée et s'appelle le KRA.
LES PIERRES : l'argent.
L'EAU : un seul robinet, accessible de 8h à 17h, avec
l'aval du gros-bras en place, parfois coupure jusqu'à trois jours.
DOUCHE : emplacement délimité à cette fin,
sol ultra glissant.
WC : deux chiottes turcs sans eau. Déblayer soigneusement
les astecs avant de prendre place (le cafard vous cède la place
grand seigneur) . Fosse sceptique souvent bouchée. La nuit il faut
aller aux barriques.
BARRIQUES : demi-barrique de pétrole munies de poignées
servant de chiotte la nuit et de récipient d'eau pour le nettoyage
du matin. La pisse oxyde le fer vitesse grand V, qui est en quelques jours
percé. Le contenu se répand dans l'allée centrale
où dorment ceux qui n'ont pu négocier avec le chef de chambre
une place sur la couchette surélevée en béton : les
moisis.
BARON ou BOSS : Caïd, chef de bande souvent à
caractère ethnique ou national, certain engraisse à vue d’œil.
CACAOS : nouveaux arrivants au badjo, toujours de nuit. Les caïds
s'occupent de tout pour eux les premiers jours : vendre les habits superflus,
garder leur peu de possessions, assurer leur sécurité, payer
les droits de chambre, de coiffeur... faire manger. Ils se font ensuite grassement
rémunérer leurs services après les visites des familles.
Une fois condamné, le cacao perd de sa valeur, les visites familiales
s'espacent, il s'autonomise. Entre temps, d'autres sont arrivés.
Chaque arrivage de prévenus est une grande foire aux cacaos.
LES MOISIS : après le stade cacao, on devient vite
"moisi" si on est pas un criminel endurci ou intégré à
un groupe ou que les visites s'espacent. (La prison est à 60 kms
de leur ville d'origine). Moisis = indigent. La faim et la maladie amènent
vite au stade suivant : le zombie.
ZOMBIE : atteint de mycoses, gale, diarrhées et découragement,
il est condamné à court terme si une libération n'intervient
pas.
COIFFEUR : tout cacao est rasé à son arrivée
par un gars du service d'hygiène, qui font aussi le nettoyage du
badjo et des cadavres. S'il a les moyens, le cacao pourra négocier
de garder ses cheveux ou au moins l'emploi d'une lame neuve.
PARLOIR : Une fois par semaine, en droit, les autres jours en
diez, visites des familles.
PARQUET : Une fois par semaine on lève une expédition
pour le tribunal. Menottés deux par deux, braqués par les
gardes, à pieds à travers toute la ville sous les insultes.
PAO : ou caillou ou crack (cocaïne) présent dans
tous les ghettos d'Afrique. La justice ne distingue pas crack et wassa.
WASSA : gandja ou marijuana.
GROS BRAS ou COMMANDO : nommé par le chef
de cour, censé faire régner l'ordre, vit d'intimidation.
Les sévices corporels sont l'appanage des surveillants.
AMNISTIE : tous les ans il est procédé à
une amnistie partielle. Les dossiers sont revus, c'est le moment de parler
"bon français".
BON FRANCAIS : parler bon français, c'est parler
en francs cfa.
DECALER : ouvrir les portes du badjo, le matin à 8 h,
accès à la cour, lavage à grande eau (grésil
une fois l'an) retour au badjo à 17h.
EVASION : le détenu a le droit de tenter de s'échapper,
le gardien a le droit de l'abattre comme un chien. Repris, il est passé
à tabac, enchaîné à un complice par le pied,
en permanence pendant des mois. Rouille, sang, pus = ouverture impossible
le moment venu, il faut scier sur le vif. Pour les blessures par balles,
aucun soin, extraction à la petite cuillère et l'après
rasage.
INFIRMERIE : cabane en bois, désossée, un lit bancal
sans couverture. Mais l'air pur du dehors ! Aucun médicament n'est
gratuit. L'infirmier ira les acheter si vous lui en donnez les moyens. Il
vous assistera pour les prises, fera une piqûre le cas échéant.
On peut même envisager une visite gardée à l'hôpital.
Aucun médecin n'est venu à la prison.
CERCUEIL : au singulier, non fermé aux pieds et avec poignées.
Le mort est enterré en fausse commune, lavé, roulé
et ficelé dans sa natte. Le cercueil revient vide et les yeux des
porteurs pleins d'images de l'extérieur.
PORTE-CLE : poste de corvéable, très enviable,
stratégique et rentable bien qu’humiliant. C'est l'esclave personnel
du chef de poste. Cirage de pompes, balayage du poste, fouille des cacaos,
fouille des communiqués, transmission des lettres et messages, ouverture
et fermeture des portes, possibilité de jeter des lignes en mer.
SASS : mot désignant tout conte, nouvelle, chant, film
raconté, affabulation, discours politique ou religieux, humour,
pouvant distraire l'assistance. Les riches ayant apprécié peuvent
donner quelque chose.
VENTILO : pour gagner un repas, l'homme doit ventiler avec un
carton, au moins la moitié de la nuit, le boss. Quand il aura fini,
sa place dans l'allée sera souillée.
DEUX-DOIGTS-MAN : pique-pocket.
COMMERCANT : ultra détaillant de cigarette, café
huile sel etc…
MITARD : une des deux cellules des femmes a été
utilisé comme cachot suite à l'évasion.
LES FEMMES : disposent de deux cellules donnant sur le
carré sans nul accès à l'eau ni au chiotte jusqu'à
17h. Une femme belge a pu négocier son accouchement à l'extérieur.
Les bébés sont séparés des mères autour
de deux ans.
NOUCHI : argot courant des ghettos ivoiriens.