J’ai rencontré
le père Adriano Amendola à l’Eglise Ste Camille de Ouaga au début du mois
d’août de cette année. Il m’a dressé un tableau de la situation des prisons du Faso
et plus particulièrement de la MACO (maison d’arrêt et de correction de
Ouagadougou). Tous les vendredi, le père se rend au ministère de la justice
pour avoir une autorisation de visite à la MACO. Dans le même temps, il plaide
pour l’amélioration du sort de certains prisonniers qui sont dans une situation
particulièrement difficile. Ce jour-là, il m’expliqua qu’il était intervenu
auprès du ministère afin d’obtenir une liberté provisoire pour qu’une détenue
puisse accoucher librement à l’hôpital et surtout être assistée. Il y aura
bientôt un nouveau pensionnaire à la MACO !
A ce jour, il
y a 796 prisonniers à la MACO, qui mangent pour 70 CFA/jour, et n’ont aucun
accès à la santé, ni aux médicaments. Le père, sans relâche, cherche à récolter
des fonds pour subvenir aux besoins des prisonniers. Seuls cette année, la
LOterie NAtionale Burkinabè et la caisse nationale de sécurité sociale lui ont
apporté un soutien. Par contre, il a trouvé porte close chez les autres,
notamment les distributeurs de mobiles.
Même son de cloche à CARITAS-USA, qui semble ne pas s’intéresser au sort des
prisonniers.
A noter un
recensement qui a pu se réaliser au niveau de la MACO, effectué sur le poids et
la taille des détenus afin de détecter les plus faibles d’entre eux. Malheureusement,
seulement un tiers a accepté de se faire recenser. Sur environ 300 prisonniers,
40 ont été reconnus comme «extrêmement faibles », et ont été pris en
charge plus particulièrement au niveau des aides.
Autre projet
réalisé l’année dernière, une campagne de vaccination contre la nouvelle forme
de méningite qui a frappé le Faso. La campagne s’est avérée réussie car deux
détenus seulement l’ont contracté, dont un en est mort. Cette campagne a été
appuyée par le ministère de la justice, ce qui est assez rare pour être
signalé. Autre point positif, cette fois en dehors des prisons, en coordination
avec médecins sans frontières : la réalisation de deux centres médicaux,
un à pissy (Ouaga), et un autre à Bobo. Centres qui accueilleront les femmes
enceintes séropositives qui voudraient s’y présenter afin d’éviter à l’enfant
une contamination à la naissance.
On peut dire
qu’au niveau du Faso, la situation des prisonniers est extrêmement précaire et
leurs besoins immenses, besoins vitaux d’une alimentation saine et suffisante,
d’espace vital, d’accès aux soins. Les hommes comme le père, ainsi que les
organisations qui luttent pour l’amélioration de leur condition, sont trop peu
nombreux et disposent de trop peu de moyens. La présence d’une association sur
le terrain du Faso et en Afrique en général, est une priorité dans l’avenir.
Elle peut être le catalyseur de toutes les énergies tournées vers ce combat
pour la reconnaissance des droits des prisonniers et l’amélioration de leur
quotidien.
PS (ASPAO) : Nous rappelons que le prédécesseur du père a été
assassiné à l’intérieur même de la MACO par un détenu qu’on peut penser avoir
été manipulé, à quand le procès, une affaire enterrée de plus ?
Lors de notre dernière mission au
Faso, on nous a promis des papiers permanents de visiteurs de prisons... qui ne
sont jamais arrivés !
Nous
dénonçons l’attitude irresponsable d’un gouvernement qui trouve les moyens
d’enfermer ses délinquants (ou présumés tels), mais pas ceux de leur permettre
de survivre à leur peine (quand des peines de substitution sont possibles).
Plus impératif est à nos yeux le devoir de nourrir et soigner les prisonniers
(et les juger, la moitié ne le sont pas !) que celui d’obéir aux
injonctions du FMI (coupes draconiennes dans les budgets de l’Etat). Notre rôle n’est pas de combler les lacunes
d’un gouvernement qui ne demande qu’à se décharger sur « des bonnes
âmes », mais d’ouvrir les yeux à
tous les citoyens burkinabès qui tous, passeront peut-être un jour par la
case prison.
Depuis
longtemps déjà a été reconnue l’urgente nécessité de construire de nouveaux locaux de détention, le bâtiment actuel de 4 étages menaçant de
s’écrouler sur les prisonniers, toujours rien à l’horizon, le gouvernement
attend-il la catastrophe afin, l’émotion aidant (l’occidental est très émotif),
d’obtenir une part plus importante de financement, venant de ses
« collaborateurs » habituels ?
Le rôle du service social est de
travailler à la réinsertion sociale des détenus.
Trois objectifs principaux sont
retenus :
La prise en charge psychosociale des détenus
Amélioration des conditions de vie des détenus
Optimisation de l’action des intervenants (associations, ONG
etc.).
Le service social reçoit les
détenus pour l’écoute et des entretiens sur leurs problèmes tels que la
cessation de visites, le décès d’un parent etc.
Le service social n’a pas de
fonds propres et ses activités sont essentiellement appuyées par des soutiens
extérieurs tels que les associations, les églises, les ONG.
Ainsi, à la date de l’entretien, si certaines
activités étaient en cours, d’autres étaient en cessation dans l’attente du
déblocage de fonds. Ainsi, les ateliers de soudure et de menuiserie pour les
mineurs et l’unité de savonnerie pour les femmes mis en place par l’UNICEF ne
fonctionnent pas car le budget de 2003 n’a pas encore été versé. Ainsi, les
personnes chargées d’animer ces ateliers, l’encadreur sportif, l’alphabétiseur
et le psychologue pour les femmes et les enfants, ne sont pas payées et n’assurent
donc pas leur charge.
De même, par manque de
moyens et depuis la panne du véhicule de la maison d’arrêt, le service social
ne peut plus se rendre comme auparavant dans d’autres provinces afin de faire
du repérage de familles de détenus (souvent pour les femmes et les mineurs
puisque soutien de l’UNICEF). De fait, les détenus originaires de
Bobo-Dioulasso sont privilégiés pour l’aide à la sortie.
Le service social essaie de
soutenir les malades. Lorsque des prisonniers sont hospitalisés, le service
social tente d’obtenir l’exonération financière des soins. Les associations
soutiennent aussi parfois le coût d’examens ou de médicaments. Les problèmes
médicaux les plus courants sont la dysenterie et le paludisme. Il n’y a pas de
visites médicales systématiques d’organisées, les malades se présentent au
service social d’eux-mêmes en cas de nécessité. Le service social s’occupe
aussi de la protection maternelle et infantile. Ainsi, en présence de femmes
enceintes ou avec des enfants en bas âge, le service social contact le juge ou
le procureur pour rechercher des solutions favorables comme des sorties plus
rapides.
Concernant les mineurs, le
service social fait des enquêtes sociales afin de faire des propositions de
réinsertion aux juges. La plupart des mineurs restent à la maison d’arrêt moins
d’une semaine. Rares sont ceux qui ont plus de 18 mois. Les femmes ont plus
souvent des longues peines. Le service social ignore s’il y a dans la maison
d’arrêt des hommes condamnés à plus de trois ans. Le service social est appuyé
par un assistant juridique financé par l’APA de Ouaga.
La congrégation des Sœurs
Notre Dame d’Afrique soutenait une activité artisanale de tissage de bics.
Cette activité ne fonctionne plus sauf ponctuellement du fait du départ de
congrégation et de la saturation du marché concerné. Un détenu maîtrise aussi
très bien la pyrogravure sur calebasse mais cette activité n’est pas non plus
organisée et se tient donc de même sur demande ponctuelle.
La maison d’Arrêt de
Bobo-Dioulasso comporte un bâtiment de détention spécifique aux hommes (deux
dortoirs), un spécifique aux femmes (un dortoir) et un spécifique aux mineurs
(un dortoir). Les autres infrastructures sont les bâtiments de l’administration
pénitentiaire, l’infirmerie, le service social, les lieux de culte (protestant,
catholique et musulman).
En date du 6 octobre 2003,
date de l’entretien, la population carcérale est de 402 personnes : 188
condamnés et 214 inculpés (certains prévenus, dits prévenus parquet ne sont pas
incarcérés mais mis à la disposition de
certains services à l’extérieur). A la même date, la répartition de la
population carcérale était la suivante : 393 hommes, 4 femmes et 5
mineurs. La maison d’arrêt de Bobo-Dioulasso connaît une surpopulation
puisqu’elle est normalement prévue pour environ 150 personnes. En plus des
condamnés du tribunal de Bobo-Dioulasso, elle reçoit aussi les condamnés de
Banfora, dans l’attente de la fin de la construction de la maison d’arrêt de
Banfora.
Le régisseur souligne les
difficultés :
Les problèmes de
l’alimentation :
Le Ministère assure les vivres avec comme principe un
repas par jour de tô et parfois du riz et des haricots. Certains assurent par
leurs propres moyens trois repas par jour. Ce sont les détenus qui préparent
eux-mêmes la nourriture. Le problème est d’assurer les condiments pour
améliorer la sauce : sel, poisson, cube, légumes. L’Association
« Prisonniers sans frontières » appuie une activité de maraîchage et
d’élevage. Le jardin est de 1,5 ha. Les surplus sont parfois vendus afin
d’assurer l’achat des semences. Un comité de gestion au sein de
l’administration pénitentiaire gère
l’activité de maraîchage et d’élevage. Concernant la préparation de la
nourriture, le régisseur souligne la difficulté d’obtenir du bois de chauffe,
notamment avec les services de l’environnement chargés de gérer cette
ressource.
Les problèmes de l’hygiène
corporelle et de la santé. Difficulté d’accès aux produits d’entretien, au
savon et aux médicaments. En principe, l’Etat fournit les médicaments. Une fois
par an, la maison d’arrêt reçoit des médicaments de première nécessité, mais
qui sont vite épuisés. De même l’hospitalisation d’un détenu est conditionnée à
la présence de moyens.
La majorité des détenus sont sans parents pour les
visiter et donc leur apporter un soutien matériel. Les détenus sans parents
restent en général en détention plus longtemps. Les visites sont organisées les
samedi et dimanche de 9h à 17h. Elles sont ouvertes à toute personne ayant fait
la démarche d’obtenir auprès du procureur ou du juge, un permis de communiquer.
Tous les détenus ont à leur
disposition une natte qui a été fournie par les ONG. Les mineurs ont des lits
grâce à l’UNICEF qui leur apporte une situation matérielle plus favorable que
celle des autres détenus. L’UNICEF a aussi appuyé la création d’ateliers de
soudure, de menuiserie pour favoriser l’insertion des mineurs et une unité de
savonnerie pour les femmes. Le cas échéant, ces activités ne sont pas
rémunérées.
La Maison d’arrêt de Bobo-Dioulasso a des liens avec
Prisonniers sans frontières, le Groupe Abel de Turin, l’Association
Pénitentiaire africaine (APA) et localement le TIE qui apporte un appui
matériel.
La part des détenus d’origine
étrangère est très faible et estimée de l’ordre de 3% par le service social.
Les associations de ressortissants étrangers peuvent appuyer matériellement les
compatriotes. Les activités qui génèrent des fonds pour la caisse du comité de
gestion géré par l’administration sont les suivantes : maraîchage, élevage
de porcs et de moutons, gestion d’un moulin pour moudre les céréales destinées
à l’alimentation des prisonniers, mais aussi pour l’extérieur. Les porcs et les
moutons sont normalement réservés pour les fêtes, mais il existe des ventes par
nécessité. Ces activités sont soutenues par prisonniers sans frontières et
l’APA.
La discipline intérieure est
organisée par les détenus eux-mêmes. Il existe un responsable assisté de 3-4
collaborateurs. Ils gèrent les cas de mésententes, vols etc. en conseillant,
moralisant, intimidant et demandant réparation aux fauteurs de troubles. En cas
de problème, le responsable sort pour signaler le problème au chef de poste.
La maison d’arrêt de Bobo-Dioulasso n’est pas aux
normes car elle ne comporte pas de cellule disciplinaire. Le bâtiment principal
destiné aux hommes est constitué d’une grande cour intérieure. Il existe deux
dortoirs, l’un d’une capacité d’environ 90 places, l’autre d’une capacité
d’environ 260 places. Les dortoirs sont organisés de lits superposés avec
nattes, ainsi que de nattes posées au sol. Chaque dortoir a une toilette. Il y
a 6 toilettes à l’extérieur et des robinets. Les détenus sont dans les dortoirs
de 18h à 6h30.Il y a aussi un magasin, une cuisine, un hangar et six isoloirs
destinés aux malades et à des fonctionnaires.
Les détenus ayant déjà
effectué la moitié de leur peine et ayant un bon comportement, sont affectés
aux corvées leur permettant d’avoir un accès à l’extérieur. Ils peuvent
travailler sur le jardin, au niveau de l’élevage (une trentaine de moutons et
des porcs), ou encore être mis comme planton au palais de justice ou ailleurs.
Certains circulent alors que d’autres reviennent le soir. Certains détenus
présentés par le régisseur et l’action sociale sont placés en TIG (travail d’intérêt général). Ils touchent un
pécule en fin de mois.