Des nouvelles de la prison de Ouagadougou...
Par Mr CIMIGNANI, août 2003.

J’ai rencontré le père Adriano Amendola à l’Eglise Ste Camille de Ouaga au début du mois d’août de cette année. Il m’a dressé un tableau de la situation des prisons du Faso et plus particulièrement de la MACO (maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou). Tous les vendredi, le père se rend au ministère de la justice pour avoir une autorisation de visite à la MACO. Dans le même temps, il plaide pour l’amélioration du sort de certains prisonniers qui sont dans une situation particulièrement difficile. Ce jour-là, il m’expliqua qu’il était intervenu auprès du ministère afin d’obtenir une liberté provisoire pour qu’une détenue puisse accoucher librement à l’hôpital et surtout être assistée. Il y aura bientôt un nouveau pensionnaire à la MACO !
A ce jour, il y a 796 prisonniers à la MACO, qui mangent pour 70 CFA/jour, et n’ont aucun accès à la santé, ni aux médicaments. Le père, sans relâche, cherche à récolter des fonds pour subvenir aux besoins des prisonniers. Seuls cette année, la LOterie NAtionale Burkinabè et la caisse nationale de sécurité sociale lui ont apporté un soutien. Par contre, il a trouvé porte close chez les autres, notamment les distributeurs de mobiles.
Même son de cloche à CARITAS-USA, qui semble ne pas s’intéresser au sort des prisonniers.
A noter un recensement qui a pu se réaliser au niveau de la MACO, effectué sur le poids et la taille des détenus afin de détecter les plus faibles d’entre eux. Malheureusement, seulement un tiers a accepté de se faire recenser. Sur environ 300 prisonniers, 40 ont été reconnus comme «extrêmement faibles », et ont été pris en charge plus particulièrement au niveau des aides.
Autre projet réalisé l’année dernière, une campagne de vaccination contre la nouvelle forme de méningite qui a frappé le Faso. La campagne s’est avérée réussie car deux détenus seulement l’ont contracté, dont un en est mort. Cette campagne a été appuyée par le ministère de la justice, ce qui est assez rare pour être signalé. Autre point positif, cette fois en dehors des prisons, en coordination avec médecins sans frontières : la réalisation de deux centres médicaux, un à pissy (Ouaga), et un autre à Bobo. Centres qui accueilleront les femmes enceintes séropositives qui voudraient s’y présenter afin d’éviter à l’enfant une contamination à la naissance.
On peut dire qu’au niveau du Faso, la situation des prisonniers est extrêmement précaire et leurs besoins immenses, besoins vitaux d’une alimentation saine et suffisante, d’espace vital, d’accès aux soins. Les hommes comme le père, ainsi que les organisations qui luttent pour l’amélioration de leur condition, sont trop peu nombreux et disposent de trop peu de moyens. La présence d’une association sur le terrain du Faso et en Afrique en général, est une priorité dans l’avenir. Elle peut être le catalyseur de toutes les énergies tournées vers ce combat pour la reconnaissance des droits des prisonniers et l’amélioration de leur quotidien.
PS (ASPAO) : Nous rappelons que le prédécesseur du père a été assassiné à l’intérieur même de la MACO par un détenu qu’on peut penser avoir été manipulé, à quand le procès, une affaire enterrée de plus ?
Lors de notre dernière mission au Faso, on nous a promis des papiers permanents de visiteurs de prisons... qui ne sont jamais arrivés !
Nous dénonçons l’attitude irresponsable d’un gouvernement qui trouve les moyens d’enfermer ses délinquants (ou présumés tels), mais pas ceux de leur permettre de survivre à leur peine (quand des peines de substitution sont possibles). Plus impératif est à nos yeux le devoir de nourrir et soigner les prisonniers (et les juger, la moitié ne le sont pas !) que celui d’obéir aux injonctions du FMI (coupes draconiennes dans les budgets de l’Etat). Notre rôle n’est pas de combler les lacunes d’un gouvernement qui ne demande qu’à se décharger sur « des bonnes âmes », mais d’ouvrir les yeux à tous les citoyens burkinabès qui tous, passeront peut-être un jour par la case prison.
Depuis longtemps déjà a été reconnue l’urgente nécessité de construire de nouveaux locaux de détention, le bâtiment actuel de 4 étages menaçant de s’écrouler sur les prisonniers, toujours rien à l’horizon, le gouvernement attend-il la catastrophe afin, l’émotion aidant (l’occidental est très émotif), d’obtenir une part plus importante de financement, venant de ses « collaborateurs » habituels ?

Entretien avec les responsables du service social de la maison d’arrêt de Bobo-Dioulasso : Mme ILBOUDO et M.KAFANDO.
Par Anne J. déc. 2003.

Le rôle du service social est de travailler à la réinsertion sociale des détenus.
Trois objectifs principaux sont retenus :
La prise en charge psychosociale des détenus
Amélioration des conditions de vie des détenus
Optimisation de l’action des intervenants (associations, ONG etc.).
Le service social reçoit les détenus pour l’écoute et des entretiens sur leurs problèmes tels que la cessation de visites, le décès d’un parent etc.
Le service social n’a pas de fonds propres et ses activités sont essentiellement appuyées par des soutiens extérieurs tels que les associations, les églises, les ONG.
Ainsi, à la date de l’entretien, si certaines activités étaient en cours, d’autres étaient en cessation dans l’attente du déblocage de fonds. Ainsi, les ateliers de soudure et de menuiserie pour les mineurs et l’unité de savonnerie pour les femmes mis en place par l’UNICEF ne fonctionnent pas car le budget de 2003 n’a pas encore été versé. Ainsi, les personnes chargées d’animer ces ateliers, l’encadreur sportif, l’alphabétiseur et le psychologue pour les femmes et les enfants, ne sont pas payées et n’assurent donc pas leur charge.
De même, par manque de moyens et depuis la panne du véhicule de la maison d’arrêt, le service social ne peut plus se rendre comme auparavant dans d’autres provinces afin de faire du repérage de familles de détenus (souvent pour les femmes et les mineurs puisque soutien de l’UNICEF). De fait, les détenus originaires de Bobo-Dioulasso sont privilégiés pour l’aide à la sortie.
Le service social essaie de soutenir les malades. Lorsque des prisonniers sont hospitalisés, le service social tente d’obtenir l’exonération financière des soins. Les associations soutiennent aussi parfois le coût d’examens ou de médicaments. Les problèmes médicaux les plus courants sont la dysenterie et le paludisme. Il n’y a pas de visites médicales systématiques d’organisées, les malades se présentent au service social d’eux-mêmes en cas de nécessité. Le service social s’occupe aussi de la protection maternelle et infantile. Ainsi, en présence de femmes enceintes ou avec des enfants en bas âge, le service social contact le juge ou le procureur pour rechercher des solutions favorables comme des sorties plus rapides.
Concernant les mineurs, le service social fait des enquêtes sociales afin de faire des propositions de réinsertion aux juges. La plupart des mineurs restent à la maison d’arrêt moins d’une semaine. Rares sont ceux qui ont plus de 18 mois. Les femmes ont plus souvent des longues peines. Le service social ignore s’il y a dans la maison d’arrêt des hommes condamnés à plus de trois ans. Le service social est appuyé par un assistant juridique financé par l’APA de Ouaga.
La congrégation des Sœurs Notre Dame d’Afrique soutenait une activité artisanale de tissage de bics. Cette activité ne fonctionne plus sauf ponctuellement du fait du départ de congrégation et de la saturation du marché concerné. Un détenu maîtrise aussi très bien la pyrogravure sur calebasse mais cette activité n’est pas non plus organisée et se tient donc de même sur demande ponctuelle.

Entretien avec M. le Régisseur de la maison d’arrêt de Bobo-Dioulasso : SAWADOGO Idrissa.
Par Anne J. déc. 2003.

La maison d’Arrêt de Bobo-Dioulasso comporte un bâtiment de détention spécifique aux hommes (deux dortoirs), un spécifique aux femmes (un dortoir) et un spécifique aux mineurs (un dortoir). Les autres infrastructures sont les bâtiments de l’administration pénitentiaire, l’infirmerie, le service social, les lieux de culte (protestant, catholique et musulman).
En date du 6 octobre 2003, date de l’entretien, la population carcérale est de 402 personnes : 188 condamnés et 214 inculpés (certains prévenus, dits prévenus parquet ne sont pas incarcérés mais mis à la disposition de certains services à l’extérieur). A la même date, la répartition de la population carcérale était la suivante : 393 hommes, 4 femmes et 5 mineurs. La maison d’arrêt de Bobo-Dioulasso connaît une surpopulation puisqu’elle est normalement prévue pour environ 150 personnes. En plus des condamnés du tribunal de Bobo-Dioulasso, elle reçoit aussi les condamnés de Banfora, dans l’attente de la fin de la construction de la maison d’arrêt de Banfora.
Le régisseur souligne les difficultés :
Les problèmes de l’alimentation :
Le Ministère assure les vivres avec comme principe un repas par jour de tô et parfois du riz et des haricots. Certains assurent par leurs propres moyens trois repas par jour. Ce sont les détenus qui préparent eux-mêmes la nourriture. Le problème est d’assurer les condiments pour améliorer la sauce : sel, poisson, cube, légumes. L’Association « Prisonniers sans frontières » appuie une activité de maraîchage et d’élevage. Le jardin est de 1,5 ha. Les surplus sont parfois vendus afin d’assurer l’achat des semences. Un comité de gestion au sein de l’administration pénitentiaire gère l’activité de maraîchage et d’élevage. Concernant la préparation de la nourriture, le régisseur souligne la difficulté d’obtenir du bois de chauffe, notamment avec les services de l’environnement chargés de gérer cette ressource.
Les problèmes de l’hygiène corporelle et de la santé. Difficulté d’accès aux produits d’entretien, au savon et aux médicaments. En principe, l’Etat fournit les médicaments. Une fois par an, la maison d’arrêt reçoit des médicaments de première nécessité, mais qui sont vite épuisés. De même l’hospitalisation d’un détenu est conditionnée à la présence de moyens.
La majorité des détenus sont sans parents pour les visiter et donc leur apporter un soutien matériel. Les détenus sans parents restent en général en détention plus longtemps. Les visites sont organisées les samedi et dimanche de 9h à 17h. Elles sont ouvertes à toute personne ayant fait la démarche d’obtenir auprès du procureur ou du juge, un permis de communiquer.
Tous les détenus ont à leur disposition une natte qui a été fournie par les ONG. Les mineurs ont des lits grâce à l’UNICEF qui leur apporte une situation matérielle plus favorable que celle des autres détenus. L’UNICEF a aussi appuyé la création d’ateliers de soudure, de menuiserie pour favoriser l’insertion des mineurs et une unité de savonnerie pour les femmes. Le cas échéant, ces activités ne sont pas rémunérées.
La Maison d’arrêt de Bobo-Dioulasso a des liens avec Prisonniers sans frontières, le Groupe Abel de Turin, l’Association Pénitentiaire africaine (APA) et localement le TIE qui apporte un appui matériel.
La part des détenus d’origine étrangère est très faible et estimée de l’ordre de 3% par le service social. Les associations de ressortissants étrangers peuvent appuyer matériellement les compatriotes. Les activités qui génèrent des fonds pour la caisse du comité de gestion géré par l’administration sont les suivantes : maraîchage, élevage de porcs et de moutons, gestion d’un moulin pour moudre les céréales destinées à l’alimentation des prisonniers, mais aussi pour l’extérieur. Les porcs et les moutons sont normalement réservés pour les fêtes, mais il existe des ventes par nécessité. Ces activités sont soutenues par prisonniers sans frontières et l’APA.

Entretien avec le chef de poste de la 4éme Brigade de la maison d’arrêt de Bobo-Dioulasso : WORO MOUSSA
Par Anne J. déc. 2003.

La discipline intérieure est organisée par les détenus eux-mêmes. Il existe un responsable assisté de 3-4 collaborateurs. Ils gèrent les cas de mésententes, vols etc. en conseillant, moralisant, intimidant et demandant réparation aux fauteurs de troubles. En cas de problème, le responsable sort pour signaler le problème au chef de poste.
La maison d’arrêt de Bobo-Dioulasso n’est pas aux normes car elle ne comporte pas de cellule disciplinaire. Le bâtiment principal destiné aux hommes est constitué d’une grande cour intérieure. Il existe deux dortoirs, l’un d’une capacité d’environ 90 places, l’autre d’une capacité d’environ 260 places. Les dortoirs sont organisés de lits superposés avec nattes, ainsi que de nattes posées au sol. Chaque dortoir a une toilette. Il y a 6 toilettes à l’extérieur et des robinets. Les détenus sont dans les dortoirs de 18h à 6h30.Il y a aussi un magasin, une cuisine, un hangar et six isoloirs destinés aux malades et à des fonctionnaires.
Les détenus ayant déjà effectué la moitié de leur peine et ayant un bon comportement, sont affectés aux corvées leur permettant d’avoir un accès à l’extérieur. Ils peuvent travailler sur le jardin, au niveau de l’élevage (une trentaine de moutons et des porcs), ou encore être mis comme planton au palais de justice ou ailleurs. Certains circulent alors que d’autres reviennent le soir. Certains détenus présentés par le régisseur et l’action sociale sont placés en TIG (travail d’intérêt général). Ils touchent un pécule en fin de mois.

L’A.S.P.A.O. s’efforce de recueillir le témoignage d’anciens détenus afin d’avoir une vue plus objective sur la situation carcérale.

A.S.P.A.O. - 9, route du Bouleau, 69630 CHAPONOST - FRANCE - E.mail - aspao.net[a]gmail.com
Association loi 1901 à but non lucratif et humanitaire

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